Quelques nouvelles de l'Ukraine.
On a un peu plus de visibilité sur ce qu'il s'est passé dans les premières contre-attaques qui ont été assez lourdes en terme de perte pour les ukrainiens.
ils ont tenté de mettre en place des assauts motorisés coordonnés vers les premières lignes de défense russes, en mode OTAN. Cela a été un relatif échec, car même si ils ont avancés, les pertes étaient alors de 20% des véhicules engagés. Il faut dire que le modèle OTAN repose sur une suprématie aérienne, ce que les ukrainiens ne pourront jamais avoir. Sans parler qu'on a là les plus grands champs de mines depuis la seconde guerre mondiale, pas l'idéal pour un assaut de grande envergure quand les moyens de déminage sont limités.
Le NYT a sorti quelques articles pour parler de tout ça.
Il en ressort que les ukrainiens ont décidés de revenir à ce qu'ils savaient faire : des assauts par petites sections pour prendre les tranchées une par une. C'est plus lent, mais plus économe en matériel. On parle là d'assaut de 10 à 50 pax accompagné par 1 à 5/6 véhicules pour déposer et soutenir avec une puissance de feu lourde, le temps que les équipes d'assaut parviennent aux tranchées.
Les ukrainiens maîtrisent assez bien ces assauts désormais, mais c'est du saut de puce.
Exit donc la percée rapide comme espérée par beaucoup de monde en occident. C'était peu réaliste, les faits ont montré que c'était infaisable en l'état. Heureusement les ukrainiens se sont vite adaptés.
On est donc retourné à une stratégie d'attrition.
Le but des ukrainiens est :
1 - de supprimer au maximum l'avantage en artillerie des russesPour cela, ils agissent en contre batterie. On force les russes à tirer avec leur artillerie via les petits assaut d'escouades, l'artillerie ukrainienne vise alors ce qui tire. C'est plutôt efficace et les armes et munitions occidentales permettent une meilleur précision. Les ukrainiens y perdent aussi quelques pièces évidemment, les russes savent aussi faire. Mais le ratio est en faveur des ukrainiens et les pertes russe en artilerie commencent à être conséquentes.
Les chiffres osint donnent plus de 300 pertes confirmées pour l'artillerie russe depuis le début de cette opération ukrainienne et 1/4 de ce chiffre pour les ukrainiens.
2 - Amoindrir les capacités anti aérienne et de guerre électronique russes Là aussi, l'idée et de rendre possible un soutien aérien un peu plus présent, et d'affaiblir les capacités de réponses russes
3 - Forcer les russes à utiliser leurs renfortsOn fait le plus de dégât possible sur les troupes, afin de forcer les russes à déployer leurs renforts en premier afin de boucher les trous (et d'user ces renforts aussi).
Des rapports que l'on voit passer indique les premiers déploiement de renforts russes.
L'envoi de munitions à sous munitions par les US aident d'ailleurs à cette tache.
Cette usure est aussi réalisée par une très forte utilisation des drones suicides. Des drones FPV dotés de munition antichar et qui fonce sur les véhicules pour amorcer la charge. Cela permet de taper dans une semi profondeur et d'interdire les mouvements de l’adversaire. Sur certains axes, on a déjà des dizaines de véhicules détruits sur une même route en quelques semaines.
Cette saturation vise là aussi à user et fragiliser le front.
4 - Taper dans la profondeur.On vise les arrières, pour user les QG et la logistique. Car la logistique, c'est ce qu'il y a de plus important. Une bonne position ne peut se défendre si elle n'a pas de munition ou d'artillerie pour la soutenir.
Et la Russie dépend avant tout du train pour cela. On a 2 axes : un via la Crimée, un le long de la côte de la Mer d'Azov, occupée par la Russie mais à portée de missile et même d'artillerie si les ukrainiens avancent.
Et pour taper dans la profondeur, il faut du matériel. Les anglais et les français ont livrés des missiles scalp, avec une portée de 300km. Cela ouvre des frappes en profondeur importantes (et ça fait très mal), mais les stocks sont limités, donc on ne tape que les cibles à haute valeur ajoutée.
Une carte qui reprend les cibles visées en juilletCes missiles ont notamment été utilisés pour des attaques sur le pont Tchongar, rendant la voie ferrée inutilisable pour un moment.
La profondeur russe, c'est aussi la mer.
Les ukrainiens développement de plus en plus de drones navales afin de menacer la logistique russe.
Cela a eu pour conséquence une seconde attaque sur le fameux pont de Kerch (après une première attaque à l'automne avec un camion piégé).
Cette nouvelle attaque avec un drone navale a endommagé une des deux voies routières du pont.
Et ce matin, après plusieurs attaques sans succès en pleine mer noire, une attaque cette nuit a eu lieu sur le port russe de Novorossiysk. Un des deux drones a été détruit, l'autre a touché et endommagé un navire de débarquement (
fr.wikipedia.org/wiki/Cl…). Ces navires sont fortement utilisés pour amener des renforts (notamment des blindés) depuis la Russie vers la Crimée.
vidéo du drone jusqu'à l'impactvidéo du navire remorqué avec un fort gite à babord.
Un commentaire d'un spécialiste du matériel russe
sur l'impact. Les russes n'ont pas beaucoup de ces navires.
Au niveau opérationnel, on a toujours les 3 mêmes axes pour les ukrainiens et 2 poussées au nord pour les Russes.
Niveau russe : Une offensive a eu lieu dans le secteur de Svatove. Elle a avancée de quelques kilomètres avant que les ukrainiens ne lancent une contre attaque pour les repousser. La tête de pont russe a été réduite mais existe toujours. Mais à première vue les ukrainiens n'ont pas du engager beaucoup de réserve pour figer le front alors même que le but russe était ici de les menacer et de les forcer à déployer leurs réserves.
Un peu plus au sud, dans le secteur de Kreminna, les russes poussent aussi fortement mais n'ont gagné que quelques centaines de mètres et n'ont pas forcé les ukrainiens à engager leurs réserves.
Les russes tentent donc au nord, ont quelques succès locaux, mais sans pour le moment inverser l'initiative qui reste aux ukrainiens.
Côté ukraine : Cette carte montre que si ça avance, les premières lignes très fortifiées des russes sont à peine atteinte.
Si cela peut paraître décevant, il faut remettre cela dans le contexte : l'Ukraine n'a pas les moyens de foncer tête baisser et sans soutien aérien et doit donc viser à affaiblir pendant des semaines les russes pour pouvoir ensuite exploiter la situation avec ses brigades en réserve. Si elle peut l'exploiter, ce que l'ont peut espérer.
On est donc dans une situation où les 2 boxers cherchent à se fatiguer mutuellement.
L'Ukraine a réussi à faire engager beaucoup de réserves aux russes dans le secteur de Bakhmut. Elle avance un peu par là bas, mais doit surtout ensuite gérer de nombreuses contre-attaques russes pour tenter de libérer klishchiivka, sans succès de leur part pour le moment.
Sur le front Sud, les 2 axes avancent lentement. Les premières réserves russes ont été déployés pour renforcer le front.
On avance un peu régulièrement, mais pas de percée pour le moment.
Sauf effondrement soudain d'une partie du front, on va sans doute rester dans cette situation de gagne terrain / usure pendant encore quelques semaines.
A voir si l'Ukraine arrive à un moment à exploiter une faille et libérer une grosse ville, ce qui serait un objectif certes diminué par rapport à l'objectif initial de rejoindre la mer, mais donnerait une victoire plus que symbolique et exposerait les voies d'approvisionnement russes dans le secteur.
voilà pour ce petit point de situation de début aout. J'espère que ça se décantera d'ici la fin du mois.