Bon,
J'avais pondu la moitié d'un pavé la semaine dernière, mais tout perdu pour cause de portable non chargé.
On s'y remet donc.
La situation cet hiver est très compliqué pour les ukrainiens, pour diverses raisons. J'y reviendrai dans la deuxième partie du poste.
On va tout d'abord commencer par les offensives en cours.
A - Les offensivesAvdiivkaC'est LA grosse russe de cet hivers. Elle a commencé deuxième quinzaine d'octobre par de grandes attaques blindées par dizaines de véhicules.
Dans un premier temps, tout a été repoussé, mais au vu et à mesure, en envoyant tout ce qu'ils avaient et en perdant une grosse partie de tout ça, ils ont fini par grignotter par petits bout les approches d'Avdiivka, un peu au sud mais surtout sur l'Axe nord.
Cette offensive s'est faite par une alternance de grosse attaque méchanisées, puis durant quelques semaines par des envois de chair à canon le temps de reconstituer des stocks, et de nouveau des assauts méchanisés.
Tout s'est accéléré ces deux dernières semaines, du à principalement quatre facteurs :
- Manque de rotation des troupes ukrainiennes sur place, le 110ème défendait la zone depuis 4 mois, prenant logiquement des pertes
- Manque de munitions, c'est une grave crise à ce niveau là sur tout le front pour l'Ukraine, et forcément ça limite la capacité à contrer des attaques en forcément
- Mauvais temps qui du coup empêche une bonne surveillance aérienne par les drones et l'action des drones suicides.
- Mauvaise préparation des défenses ukrainiennes. Il semble y avoir eu un certain laissé allez dans des unités niveau retranchement ce qui a créé des points faibles
Avdiivka, c'est une ville à quelques kilomètres de Donetsk, que les russes n'ont pas réussis à prendre depuis 2014 et dont le front n'avait que peu bougé depuis bientôt 2 ans.
Mais avec les diminutions de capacité ukrainiennes et la construction de larges forces mécanisées par les russes, ils ont pu grignoter les abords de la ville.
Durant 2 mois, les russes ont poussés au nord, essayant de s'établir à Stepove, juste au nord d'Avdiivka, derrière la ligne de chemin de fer.
La ville est une zone grise, a été rasée par les combats. On y a notamment vu
un combat mémorable entre 2 véhicules d'infanterie bradley des ukrainiens et un T90 russe, leur char leur plus moderne. Le char a été perdu pour les russes, et au delà de la beauté du combat de deux david agressifs contre un goliath russe, cela révélait pas mal de choses :
- Une bonne formation des équipages ukrainiens
- des équipages russes mal formés sur leur tank le plus moderne
- des chars russes sans soutien d'infanterie, une hérésie en terme de tactique
Un peu plus sur cette batailleLa situation était assez stable jusqu'à fin janvier quand les choses ont commencé à se dégrader.
Situation :
- Au 01/02 :
pbs.twimg.com/media/GFhs…- Au 02/02 :
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pbs.twimg.com/media/GFxc…- Au 12/02 :
pbs.twimg.com/media/GGPr…- Au 13/02 :
pbs.twimg.com/media/GGPs…Comme vous pouvez le voir, la ville semble désormais coupée en 2, faisant craindre une poche ukrainienne ce qui serait catastrophique pour eux. Les ukrainiens ont dépéché en urgence (mais bien trop tard), l'une de leur meilleure bridage blindée afin de contre attaquer. Avec quelques résultats positifs semble-t-il, il faudra attendre que le brouillard de guerre se lève un peu pour en savoir plus.
En l'état, la ville devrait tomber dans les semaines à venir, si on ne revit pas une deuxième Bakhmut inutile. Mais ça semble ne plus être l'idée principale (voir plus bas).
Je pense qu'on va voir les ukrainiens se dégager et reculer pied à pied pour causer le plus de dégats possibles.
Au niveau du bilan, il est extrêmement violent pour les russes.
En source ouverte, pour ce front, on a désormais 655 pertes russes confirmées contre 50 pour les ukrainiens. Oui oui, on est bien dans un rapport de 13 pour 1.
Source :
clickLa ville semble perdue, mais le ratio est nettement en défaveur des russes. Ils ne pourront pas soutenir ce rythme longtemps.
KrynkyUn autre front important est celui de Krynky. Il s'agit d'une petite ville de l'autre côté du Dniepr où les ukrainiens maintiennent depuis plusieurs mois une tête de pont. Les bridages de marines déployées là bas vivent dans des conditions affreuses, les russes tentant de les déloger depuis des mois.
Au 10 février, sur le front Kherson / Krynky, on compte 47 pertes ukrainiennes documentées pour 204 pertes russes (
source)
Sur ce secteur, l'attaque russe semble s'essoufler, les ukrainiens ayant même repris des parties du village qu'ils avaient perdu.
Ces dernières semaines, on a vu les drones russes cibler tout ce qui flotte, détruisant plusieurs dizaines de bateaux qui servaient à faire le transport d'une rive à l'autre et ravitailler les ukrainiens. C'est assez logique et c'est sans doute ce qui a le plus d'influence sur le champ de bataille à l'heure actuelle.
Pour le moment, la tête de pont tient, on verra si cela dure, dans tous les cas, cela sert à créer une menace sur les russes et ils n'arrivent pas à la réduire pour le moment.
ZaporizhzhiaLa Russie tente depuis l'automne de reprendre le terrain perdu durant l'offensive d'été des ukrainiens. Sans réels succès pour le moment.
Les unités de VDV (normalement les mieux entrainées des unités russes) ne parviennent pas à avancer, quelques avancées d'un côté puis de l'autre. Le front n'est pas statique mais ça ne bouge tellement pas beaucoup que c'est tout comme. Les combats y ont évidemment lieux, mais pour le moment la zone est globalement figée.
AilleursIl y a évidemment d'autres assaut qui sont menés, certains totalement bloqués, certaines attaques avance sur les fronts ukrainiens les plus fragilisé.
Comme l'hiver dernier, les russes avancent, mais à un prix encore plus élevé que l'an dernier.
B - La situation russeCette année, ils ont désormais le soutien officiel de la corée du nord, celle-ci ayant livré plus d'un million d'obus et semble livrer aussi du matériel plus lourd. L'armée russe reposant sur les obus, c'est salutaire pour eux, surtout quand en face c'est la cata niveau stock.
Les pertes matérielles s'accumulent fortement.
Au 9 février, le projet Oryx recensé 14320 pertes russes dont 10000 détruites. Et dedans 2730 tanks confirmés perdus. C'est plus que ce que la Russie avait dans ses armées au début de la guerre. Et la guerre n'est pas finie ... A ce rythme, si ils continuent à pouvoir taper dans leurs stocks, ils ont encore la capacité d'avoir des tanks pour 2 voir 3 ans.
A noter que les réserves fondent. Si la russie a hérité de réserves énormes de l'URSS, tout est loin d'être réparable, des quantités non négligeables ont été vendus sous le manteau. Des
comptes OSINT vont d'ailleurs un travail de fourmi pour identifier ce qu'il reste en stock et les évolutions durant l'année.
Sur le plan intérieur, cela ne bouge pas énormément. On voit de plus en plus de mobilisation pour faire revenir les maris partis au front, mais c'est bien peu efficace pour le moment et la russie de 2024 n'est pas celle des années tchétchénie. Il ne faut pas espérer grand chose à ce niveau là.
C - La situation ukrainienneManque de munition et d'hommesUn des plus gros problèmes pour l'Ukraine c'est avant tout le manque de munition : 155mm pour l'artillerie et mortiers de toute taille.
Sans munition, on se rationne, on ne peut plus faire de l'interdition, on ne vise que ce qu'en situation d'urgence etc... Cette situation est assez catastrophique et le moins que l'on puisse dire c'est que l'occident est merdique à ce niveau là.
L'Europe avait promis 1M d'obus de 155 pour mars 2024. A l'heure actuelle, on est parti sur 330K à première vue.. A peine un tier de l'objectif. Alors certes, on augmente les productions dans plusieurs pays, mais ça prendra du temps. Et le plan prévoyant que ces 1M devaient être produit par l'industrie européenne (notamment soutenu par la France), est une farce. L'état français par exemple ne passe pas de grosses commandes, du coup, logiquement, les industriels n'investissent qu'à peine pour augmenter leur production. Certains pays comme la république tchèque poussent pour acheter ces obus hors d'europe, notamment au complexe militaroindustriel sud-coréen.
Du côté des USA, c'est la cata aussi. Si leur production de matériel augmente, pour le moment tout est bloqué par la situation politique depuis la perte de contrôle de la chambre.
Le plan de 90Md$ est pour le moment bloqué, cela signifie que pour le moment il n'y a plus d'envois de matériel lourd et de gros stocks de munitions. l'ancrage russe du partie républicain est une catastrophe pour l'Ukraine. Un horizon semble se dégager un peu sur ce sujet, mais ce sera trop tard pour sauver Avdiivka par exemple.
L'Ukraine manque aussi d'homme. Zelensky rechigne fortement à mobiliser plus de monde. Certaines unités ne tournent qu'au tier de leur capacité nominale. Cela crée forcément des trous au front. Du coup, la grogne monte chez les militaires qui tiennent le pays à bout de bras depius 2 ans et aimeraient un peu plus de soutien du pays.
Situation politiqueAvec tout ça, il fallait s'attendre à du changement, il a eu lieu la semaine dernière.
Zaloujny, l'ancien chef de l'armée, a été remercié par Zelensky. L'information avait fuité dans les médias et a fini par être officialisée au bout de quelques jours. A sa place est nommé le général Syrsky, surnommé le boucher par les troupes ukrainiennes, et pas en bien. Pourquoi ? Parce qu'il est celui qui a poussé pour la défense de Bakhmut coute que coute, à grand cout humain sur la fin. Pas spécialiement aimé donc ...
A l'inverse Zaloujny est très apprécié dans le pays, plus que Zelensky. Parmi les théories sur son départ c'est justement cette popularité qui fait de l'ombre au président actuel. Vrai, faux, aucune idée. Toujours est-il que changer de général en chef n'est pas nouveau dans un conflit et n'est pas toujours une mauvaise chose. On peut aussi lui reprocher d'avoir voulu avancer sur 3 secteurs différents cet été, les américains ayant conseillé les ukrainiens de ne se concentrer que sur un seul secteur en force.
D'ailleurs, Syrsky a annoncé que désormais l'Ukraine passait sur la défensive mais de manière intelligente. On ne s'accroche plus inutilement au moindre bout de terrain. Si on peut, on saigne l'adversaire et on se retire sur d'autres positions bien préparées. Cela n'a pas l'air, mais c'est une petite révolution sur la politique ukrainienne. On a aussi entendu que désormais le Président avait demandé à Syrksy de réduire la taille des états majors et des hommes qui sont sur les arrières et pas envoyés au front, histoire de ne pas avoir des soldats inutilement sur les arrières quand le front souffre tant.
A noter que d'autres généraux sont remplacés. On verra ce que ce shift donnera, mais dans la situation actuelle il ne faut pas attendre un impact énorme dans l'immédiat.
Touché couléIl y a malgré tout des secteurs où les ukrainiens font du bon boulot et s'en sortent bien. La guerre maritime en est le premier exemple. Pas mal quand on a plus de marine !
Cette nuit, un nouveau navire a coulé pour les russes. Un navire de débarquement de classe Ropucha : le Cezar Kunikov.
sourceCette classe est précieuse pour les russes, elle permet de déployer 10 véhicules blindés et 200 hommes ou 450 tonnes de matériel.
Un avait été gravement endommagé cet été par les ukrainiens. n autre a été très lourdement touché le 12 septembre.
Le Novocherkassk a lui coulé le 25 décembre au soir.
Cette classe est importante pour le russes, et surtout irremplacable, les navires sortant des chantiers de Gdansk en Pologne.
Il y a 2 semaines, le Ivanovets, un lanceur de missile de la classe Tarantul était lui aussi coulé
sourceOn a dans ces 2 derniers cas, le même fonctionnement : une nuée de drones maritimes se fait exploser contre le navire cible. La nouvelle génération de drone maritime de l'ukraine, les Magura V5, semblent très efficaces.
A noter d'ailleurs que Zelensky a créé un nouvelle branche de l'armée dédiée à ces drones, histoire de bien renforcer le secteur.
On peut s'attendre à voir d'autres navires russes couler.
On tape au portefeuille.Et tant qu'on parle des drones, les russes subissent depuis quelques semaines une campagne de frappe en profondeur des drones ukrainiens, et cette campagne vise leurs installations pétrolières. Au moins 3 raffineries russes ont été touchées par ces drones longue distance ces derniers jours. Le pétrole russe, c'est une part énorme des rentrées d'argent du pays. Si les ukrainiens arrivent à mettre hors jeu certains terminaux pétroliers, c'est tout le pays qui sera impacté. Ce sont clairement des cibles privilégies et relativement facile à toucher actuellement. Au pire les russes y déploient des moyens anti aériens, mais ce seront autant de moyens qui ne sont pas déployés au front, donc c'est du gagnant gagnant pour les ukrainiens.
Voilà pour ce petit point su la situation actuelle.
On ne peut qu'espérer que les USA arrivent à débloquer leur aide matérielle pour l'Ukraine, que l'Europe se bouge son cul bien trop gras et que les ukrainiens arrivent à saigner autant que possible les russes pour empêcher d'autres grandes offensives au printemps.